تشكيـل..
الوقائـع الفنـي
Le peintre Noureddine Fathy,
l’arpenteur de la question esthétique
Hassan Laghdache
« Les formes s’engendrent et se transforment.
Elles s’échangent et créent ainsi la
Réalité d’un univers de signes et de
Symboles où les figures passent d’un règne
A l’autre, touchent d’un pied aux racines,
et vont se perdre dans la chevelure
Des constellations. C’est comme une espèce de
Langage secret, composé des formules
d’enchantement, et qui est d’avant les mots,
du temps où ce que les hommes imaginaient,
pressentaient, était plus vrai, plus réel
Ce qu’ils voyaient ».
Joan Miró, 1958
Depuis l’antiquité, et sans doute depuis plusieurs dizaines de
milliers d’années, il y eut des peintres au Maroc. Toni Maraini observe, à
juste raison, qu’il y a 80 000 ans, les hominidès qui précédèrent Homo Sapiens
au Maroc passaient déjà des peintures ocre sur les os de leurs morts. Or ces
peintres ne se pensaient pas comme artistes. Il s’agissait d’hommes ordinaires,
peut être d’artisans, qui produisaient des décors non signés sur des supports
fonctionnels, poutres de plafonds ou planches et murs, intertices dans des
entrelacs de plâtre pour les siècles les plus récents. On pourrait aussi
évoquer les femmes qui décoraient les corps humains avec du henné ou du
tatouage. Dans tous les cas, il s’agit bien des peintres puisque ces personnes
utilisaient des pigments et des liants, jouant de formes et de couleurs.
Simplement, elles ignoraient le type particulier de support qui est la toile,
voir le papier, l’huile etc
Contrairement à ce qu’on croit habituellement ou à ce qu’on lit
couramment, la peinture de chevalet n’est pas une innovation radicale au Maroc
qui daterait, soit des peintres occidentaux, beaucoup d’entre eux étaient
orientalistes, apparus au XIX ème siècle, soit des peintres
marocains qui entrent en activité au XX ème siècle. Elle est, en effet apparue
au XVI ème siècle. Et chose, plus curieuse, il ne s’agit pas d’un phénomène qui
a été proposé ou imposé par des peintres venus de l’étranger, on a été en face
d’une demande marocaine venue de l’autorité suprême du pays, celle d’un sultan
saâdien qui se présentait comme étant le descendant en ligne directe du
prophète. C’est donc à l’instigation d’une des plus hautes autorités du monde
musulman de l’époque ou par certains notables que la peinture à l’huile sur
toile a été introduite au Maroc. Et le cas n’est pas unique puisqu’au même
moment, les Turcs procèdent de même, demandant eux aussi que des peintres leur
soient envoyés depuis l’Italie où la mutation que fut l’apparition de la
peinture moderne venait de s’opérer. A une extrémité du monde musulman, les
sultans Moghols eurent la même attirance pour la peinture figurative utilisant
des moyens radicalement nouveaux. Dès lors, il conviendrait de remettre en
question l’expression de « révolution iconologique » qui aurait eu lieu au
Maroc au XX ème siècle alors qu’elle a été explicitement proposée dans notre
pays au XVI ème siècle par des marocains et non des étrangers venus d’Europe,
ce que presque voulait ignorer la majorité
Dans ce contexte, une présentation de Nourddine Fathy est sans
doute l’occasion d’apprendre quelque chose sur le champ des arts plastiques et
des arts visuels actuellement avec une dynamique qui se produit autour de
l’abstraction. Est-elle due à des influences extérieures? Ou s’agit-il d’un
mouvement totalement intérieur à l’évolution de la société marocaine et au
profit du peintre lui-même. La peinture de Fatihi est-elle recherche de
l’autonomie de la ligne, de la forme et de la couleur comme expression
immédiate de l’esprit et comme pouvoir de suggestion ? Son œuvre est-elle la
résultante d’un cogito qui exprime l’intériorité
Dans le cas de Fathy, l’art doit être
compris à partir de l’artiste lui-même. Son expérience se range du côté de «
l’esthétique de Pygmalion » , comme disait Deleuze: chaque œuvre naît d’une
dualité générationnelle , d’un combat perpétuel où la réconciliation
n’intervient que périodiquement. Ce qui frappe dans ses œuvres, c’est la
largeur de vue
Il s’agit d’esthétique proprement parler. Le côté lumineux s’oppose
dans ses œuvres à l’inverse de l’extase et du délire. Il figure ainsi
l’amoralisme de l’instinct, voire l’effacement de la conscience de soi, au
profit d’un sentiment plus vaste d’union, comme dans la transe musicale ;
l’affirmation plus forte du réel , un « dire oui à la vie » dans toutes ses
dimensions. A la limite de l’abstraction informe, l’absence de forme n’est pas
une pure matière pour Fathy mais plutôt une force pure , une force cachée qui
menace l’ordre trop bien ordonné.
Dieu est caché dans l’œuvre de Fathy, comme chez la plupart des calligraphes ;
il est à la fois perceptible et totalement imperceptible par les signes
diacritiques occultés qui accompagnent et qui modèlent son œuvre.
Référence à l’artiste dans la mesure où Fathy effectue un détour par l’extériorité
pour se dire soi-même dans une forme d’étrangeté qui commence avec le stade du
miroir et qui se poursuit avec l’essai photographique. La particularité de Fathy
est de donner à voir un art pariétal, comme les mains multi dimensionnées pour
se réaliser lui-même. En fait, celui qui cherche la connaissance doit en effet
multiplier les points de vue avec lesquels il doit jouer, selon un
pluriperspectivisme affirmé comme tel : il n’y a pas des faits chez le peintre
Fatihi, il n’ y a que des interprétations . Pour lui , le monde tout entier se
justifie comme phénomène esthétique. L’artiste incarne la figure même de celui
qui s’enterre dans la réalité, pour mieux la magnifier. En créant son monde,
l’artiste recrée sans cesse le monde. La création de Fatihi est autotélique
sans être solipsiste. Il se donne à soi-même sa propre loi pour mieux
rencontrer l’autre. Un dernier geste caractérise l’œuvre de Fatihi, c’est que
le fond de sa pensée se fait entendre par la forme. Celle-ci se caractérise par
son éclatement, ou plutôt son envahissement progressif. Ce que réalise Fathy,
C’est en somme le brouillage conscient des frontières entre peinture et
philosophie : son style est une transe de la pensée. Sa peinture se mue ainsi
en vocation accentuée en régime de singularité : comment devenir singulier
quand le hors-norme devient norme, en pleine ruée vers l’art dématérialisé et
éphémère
La question est alors de savoir, s’il s’agit d’éliminer le sens de
la toile comme écran illusionniste; ou au contraire, s’agit-il de rendre la
toile mieux illusionniste tout en montrant avec plus d’insistance que « ceci
n’est pas une toile ». Dans tous le cas, une réalité envahit la scène
fictionnelle pour lui donner une réalité plus profonde que celle qui existe
dans le prosaïsme du quotidien
0 التعليقات:
إرسال تعليق